Universal Music met gratuitement l’ensemble de son catalogue à la disposition des internautes canadiens et américains
Une nouvelle étape, et non des moindres, a été franchie dans la saga du téléchargement légal de musique en ligne : le géant de la distribution de musique Universal Music a signé fin août avec la société SpiralFrog un accord qui permettra à tous les internautes américains et canadiens de télécharger dès le mois de décembre l’intégralité du catalogue de la major depuis le site de son partenaire. Cette offre sans précédent permettra aux internautes d’outre-atlantique de se procurer sans bourse délier les œuvres de stars planétaires comme Herbert Von Karajan, Nirvana ou Eminem. L’opération sera financée par la publicité en ligne.
Le calcul d’Universal Music et de SpiralFrog est le suivant : s’ils ne paient certes pas la musique qu’ils téléchargent illégalement, les pirates sont cependant des consommateurs comme les autres, et ils achètent d’autres produits !
Le piratage concerne en général une population assez jeune, friande par exemple de produits de haute technologie et de vêtements de marques. Le catalogue musical d’Universal servira donc d’appât pour « rabattre » la tranche de population des 13-34 ans sur le site de SpiralFrog, sur lequel des marques aussi connues que Levi’s ou Bennetton feront la publicité de leurs marchandises.
Les revenus générés par la publicité seront partagés entre SpiralFrog et Universal, la major reversant une partie de cette manne publicitaire à ses artistes.
Mais SpiralFrog ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : son PDG Robin Kent serait d’ores et déjà en contact avec d’autres majors, telles Warner, EMI et Sony-BMG, le but étant d’étendre encore cette offre musicale - qui ratisse déjà très large - pour attirer encore plus d’internautes.
Il est clair que cette initiative porte - du moins en ce qui concerne les internautes américains et canadiens - un coup important au téléchargement payant. La première victime de cette offre est iTunes, la plateforme d’Apple, qui détient à elle seule 70 % du marché mondial du téléchargement payant de musique - en effet, jusqu’à quand les internautes américains et canadiens accepteront-ils de payer 0,99 USD pour des titres ou des albums qu’ils peuvent désormais télécharger gratuitement sur SpiralFrog ?
Le coup bas porté à Apple par le tandem de choc est double : SpiralFrog encodera les fichiers à télécharger au format Windows Media Audio (WMA). Ils pourront être installés sur un ordinateur fixe et sur deux lecteurs portables compatibles avec ce format, mais le format choisi exclu donc d’office l’iPod, le baladeur vedette d’Apple. Les consommateurs américains hésiteront probablement à l’avenir à acheter un baladeur sur lequel ils ne pourront pas lire la manne musicale mise gratuitement à leur disposition…
Par ailleurs, les fichiers proposés aux internautes seront équipés du système de DRM (« Digital Rights Management », gestion numérique des droits) « PlayForSure » de Microsoft. De ce fait, les utilisateurs du système devront renouveler chaque mois leur inscription gratuite sur le site de SpiralFrog et visionner une nouvelle série de publicités, sinon, les fichiers téléchargés deviendront illisibles… A noter que les fichiers téléchargés ne pourront pas non plus être gravés sur CD.
Cette protection par DRM semble à la fois vaine et illusoire : vaine, parce que cela n’a pas beaucoup de sens de protéger contre la copie des fichiers que tout un chacun - aux USA et au Canada, du moins - pourra de toute façon télécharger sans bourse délier ; illusoire, parce que le logiciel FairUse4WM, disponible sur Internet depuis le 26 août, permet de débarrasser en quelques clics les fichiers audio au format Windows Media de toutes les mesures de sécurité imposées par le dispositif PlayForSure.
Les fichiers « traités » par ce logiciel se verraient ainsi dotés d’une durée de vie éternelle, et pourraient être gravés sur CD, ou bien distribués et transférés sur un nombre illimité d’ordinateurs et de baladeurs.
De plus, moyennant quelques manipulations informatiques, les internautes d’autres pays devraient pouvoir facilement profiter - ce, en toute illégalité - de l'offre de SpiralFrog, ce qui obligera peut-être le marché mondial à s’adapter en conséquence, entraînant un « effet domino » du téléchargement gratuit de musique en ligne…
La distribution gratuite sur Internet de la musique présente au catalogue de l’ensemble des distributeurs, sans DRM, copiable et distribuable à l’envi, le tout financé par la publicité, et avec une juste rémunération des artistes : voilà peut-être ce que sera le nouveau visage de la distribution légale de musique ; ce, dans un avenir qui ne semble désormais plus si lointain… Affaire à suivre.