Décès du compositeur belge Henri Pousseur à l'aube de ses 80 ans
Nous apprenons avec tristesse le décès à Bruxelles (Belgique), ce vendredi 6 mars 2009 au matin, du compositeur belge Henri Pousseur des suites d’une broncho-pneumonie.
Né en 1929 à Malmédy (Belgique), Henri Pousseur allait souffler ses 80 bougies le 23 juin prochain. Le festival belge de musique contemporaine Ars Musica (lire l'article) - dont on célèbre cette année les vingt années d’existence - avait d’ailleurs prévu de fêter dignement cet anniversaire.
En hommage au défunt, les organisateurs d’Ars Musica ont décidé de lui dédier cette édition 2009 ; il était déjà prévu de lui consacrer la journée du vendredi 13 mars, avec des tables rondes et des concerts ; étant donné la disparition du compositeur, le programme de la journée a été modifié en conséquence.
Henri Pousseur effectue ses études musicales de 1947 à 1953 aux conservatoires de Liège et de Bruxelles (Belgique) et y découvre le dodécaphonisme avec Pierre Froidebise et André Souris, qui le mettront en 1951 en contact avec le Français Pierre Boulez. Dès lors, il passe à la musique sérielle la plus radicale.
Il travaille dans les studios électroniques de la WDR à Cologne (1954) et au Studio di fonologia de la RAI à Milan (1957), où il rencontrera successivement Karlheinz Stockhausen et Luciano Berio. Il fonde à son tour à Bruxelles, en 1958, le premier studio de musique électronique de Belgique (connu sous le nom de Studio Apelac), où il travaillera notamment avec Léo Küpper et Arsène Souffriau.
En 1960, Henri Pousseur entame avec le poète belge Michel Butor une collaboration qui a perduré jusqu’à ce jour.
De 1961 à 1963, Henri Pousseur travaillera également au Studio de musique électronique de Monaco. En 1965, il fera un passage au studio de musique électronique de Gent (Gand, Belgique), devenu aujourd’hui l’IPEM.
Dans les années 50, il fonde l’association « Musiques nouvelles », dont est issu l’ensemble instrumental éponyme. Celui-ci donnera son premier concert en 1961, avec l’exécution de son œuvre mobile Répons, composée l’année précédente.
Se libérant finalement du carcan d’une orthodoxie trop exclusive à son goût, Henri Pousseur se consacre dès lors à la recherche d’une réintégration dans la musique de tous les éléments syntaxiques et stylistiques bannis par ce que l’on a appelé la « série généralisée » (application à tous les paramètres musicaux - timbres, durées, nuances, tempi, …- des principes sériels que le dodécaphonisme appliquait aux hauteurs de notes, en imposant d’utiliser successivement tous les 12 demi-tons de la gamme chromatique une et une seule fois dans une « série », qui servait de trame à la composition), et qu’il qualifiait quant à lui de « série restreinte », étant donné les restrictions qu’elle imposait au compositeur…
Parallèlement à ses activités de compositeur, Henri Pousseur fut aussi un grand pédagogue. Il enseigna à l’Université et au Conservatoire de Liège (en particulier la composition à partir de 1971), ainsi qu’à Cologne, à Bâle (CH) et à l’Université de l’Etat de New-York à Buffalo (USA) ; là aussi, c'est la composition qu'il enseigna, bien au-delà d'un simple cours d'écriture.
Il deviendra directeur du Conservatoire de Liège en 1975, après avoir fondé dès 1970 dans cette ville - avec Pierre Bartholomée et Philippe Boesmans et grâce à l’appui de Robert Wangermée - le Centre de Recherches musicales de Wallonie, bien connu de nos lecteurs sous le nom de CRFMW (Centre de Recherches et de Formation Musicales de Wallonie).
En 1983, le gouvernement français chargera Henri Pousseur de diriger la remise sur pied d’un Institut de Pédagogie Musicale à Paris, institut qui allait constituer l’embryon de l’actuelle Cité de la musique de La Villette.
Retraité de ses emplois officiels en 1994 (il fut chargé de mission auprès du Ministère de la culture de Belgique francophone de son retour de Paris, en 1987, à 1994), il a encore assumé jusqu’à l’été 1999 une charge de compositeur en résidence à l’Université de Leuven (Louvain, Belgique).
Parmi les œuvres électroacoustiques et mixtes d’Henri Pousseur, on peut noter :
- Seismogrammes I et II pour bande à une piste (Cologne, 1954),
- Scambi pour bande à 2 pistes (Milan, 1957).
- Électre, pièce électronique pour un ballet de Janine Charrat (Bruxelles, 1960). Cette œuvre a valu la même année au compositeur le prix Italia.
- Trois visages de Liège, œuvre pour bande à 2 pistes (1961).
- Votre Faust (1960-1967), « fantaisie genre opéra » pour soprano, alto, ténor, basse, 5 acteurs, 12 instruments et bande, issu de sa collaboration avec Michel Butor.
- Liège à Paris, pièce électroacoustique créée en 1977 à l’occasion de l’inauguration de l’IRCAM à Paris.
- Seize Paysages planétaires, musique « ethno électroacoustique » réalisée en 2000 avec l’aide et dans le studio de son fils Denis. Associées à des images numériques, le tout étant soumis à des variations grâce au logiciel Open Media mis au point par Enrico Bagnoli, cinq de ces seize pièces deviendront les :
- Voix et Vues planétaires, musique « multimédiale » (2003/2004).
Vous pouvez consulter le catalogue complet des œuvres d’Henri Pousseur sur le site Internet du compositeur.
Henri Pousseur a également produit de nombreux écrits, dont L’Apothéose de Rameau (essai sur la question harmonique) [Paris, 1968], Fragments théoriques I sur la musique expérimentale (Bruxelles, 1970), Stravinski selon Webern selon Stravinski (Paris, 1971) et son ouvrage le plus connu, Musique, sémantique, société (Paris, 1972).
Henri Pousseur laisse derrière lui son épouse et ses quatre enfants ; à ses proches, toute l’équipe de l’ACME, qui eut la chance et l’honneur insigne d’être parrainé par lui lors de sa fondation, présente ses condoléances les plus émues.
Vinciane Baudoux
Un livre d'or a été ouvert sur le site Internet d'Henri Pousseur ; vous pouvez le consulter et le signer ici.
Il vous est également loisible de laisser un commentaire au bas de cet article.
- Lire l'interview d'Arsène Souffriau par Stephan Dunkelman, parue en 1988 dans le n° 65 des Cahiers de l'ACME.
- Lire l'interview de Léo Küpper par Fabrizio Rota, parue en 2007 dans les numéros 234 et 235 des Cahiers de l'ACME.
Né en 1929 à Malmédy (Belgique), Henri Pousseur allait souffler ses 80 bougies le 23 juin prochain. Le festival belge de musique contemporaine Ars Musica (lire l'article) - dont on célèbre cette année les vingt années d’existence - avait d’ailleurs prévu de fêter dignement cet anniversaire.
En hommage au défunt, les organisateurs d’Ars Musica ont décidé de lui dédier cette édition 2009 ; il était déjà prévu de lui consacrer la journée du vendredi 13 mars, avec des tables rondes et des concerts ; étant donné la disparition du compositeur, le programme de la journée a été modifié en conséquence.
Henri Pousseur effectue ses études musicales de 1947 à 1953 aux conservatoires de Liège et de Bruxelles (Belgique) et y découvre le dodécaphonisme avec Pierre Froidebise et André Souris, qui le mettront en 1951 en contact avec le Français Pierre Boulez. Dès lors, il passe à la musique sérielle la plus radicale.
Il travaille dans les studios électroniques de la WDR à Cologne (1954) et au Studio di fonologia de la RAI à Milan (1957), où il rencontrera successivement Karlheinz Stockhausen et Luciano Berio. Il fonde à son tour à Bruxelles, en 1958, le premier studio de musique électronique de Belgique (connu sous le nom de Studio Apelac), où il travaillera notamment avec Léo Küpper et Arsène Souffriau.
En 1960, Henri Pousseur entame avec le poète belge Michel Butor une collaboration qui a perduré jusqu’à ce jour.
De 1961 à 1963, Henri Pousseur travaillera également au Studio de musique électronique de Monaco. En 1965, il fera un passage au studio de musique électronique de Gent (Gand, Belgique), devenu aujourd’hui l’IPEM.
Dans les années 50, il fonde l’association « Musiques nouvelles », dont est issu l’ensemble instrumental éponyme. Celui-ci donnera son premier concert en 1961, avec l’exécution de son œuvre mobile Répons, composée l’année précédente.
Se libérant finalement du carcan d’une orthodoxie trop exclusive à son goût, Henri Pousseur se consacre dès lors à la recherche d’une réintégration dans la musique de tous les éléments syntaxiques et stylistiques bannis par ce que l’on a appelé la « série généralisée » (application à tous les paramètres musicaux - timbres, durées, nuances, tempi, …- des principes sériels que le dodécaphonisme appliquait aux hauteurs de notes, en imposant d’utiliser successivement tous les 12 demi-tons de la gamme chromatique une et une seule fois dans une « série », qui servait de trame à la composition), et qu’il qualifiait quant à lui de « série restreinte », étant donné les restrictions qu’elle imposait au compositeur…
Parallèlement à ses activités de compositeur, Henri Pousseur fut aussi un grand pédagogue. Il enseigna à l’Université et au Conservatoire de Liège (en particulier la composition à partir de 1971), ainsi qu’à Cologne, à Bâle (CH) et à l’Université de l’Etat de New-York à Buffalo (USA) ; là aussi, c'est la composition qu'il enseigna, bien au-delà d'un simple cours d'écriture.
Il deviendra directeur du Conservatoire de Liège en 1975, après avoir fondé dès 1970 dans cette ville - avec Pierre Bartholomée et Philippe Boesmans et grâce à l’appui de Robert Wangermée - le Centre de Recherches musicales de Wallonie, bien connu de nos lecteurs sous le nom de CRFMW (Centre de Recherches et de Formation Musicales de Wallonie).
En 1983, le gouvernement français chargera Henri Pousseur de diriger la remise sur pied d’un Institut de Pédagogie Musicale à Paris, institut qui allait constituer l’embryon de l’actuelle Cité de la musique de La Villette.
Retraité de ses emplois officiels en 1994 (il fut chargé de mission auprès du Ministère de la culture de Belgique francophone de son retour de Paris, en 1987, à 1994), il a encore assumé jusqu’à l’été 1999 une charge de compositeur en résidence à l’Université de Leuven (Louvain, Belgique).
Parmi les œuvres électroacoustiques et mixtes d’Henri Pousseur, on peut noter :
- Seismogrammes I et II pour bande à une piste (Cologne, 1954),
- Scambi pour bande à 2 pistes (Milan, 1957).
- Électre, pièce électronique pour un ballet de Janine Charrat (Bruxelles, 1960). Cette œuvre a valu la même année au compositeur le prix Italia.
- Trois visages de Liège, œuvre pour bande à 2 pistes (1961).
- Votre Faust (1960-1967), « fantaisie genre opéra » pour soprano, alto, ténor, basse, 5 acteurs, 12 instruments et bande, issu de sa collaboration avec Michel Butor.
- Liège à Paris, pièce électroacoustique créée en 1977 à l’occasion de l’inauguration de l’IRCAM à Paris.
- Seize Paysages planétaires, musique « ethno électroacoustique » réalisée en 2000 avec l’aide et dans le studio de son fils Denis. Associées à des images numériques, le tout étant soumis à des variations grâce au logiciel Open Media mis au point par Enrico Bagnoli, cinq de ces seize pièces deviendront les :
- Voix et Vues planétaires, musique « multimédiale » (2003/2004).
Vous pouvez consulter le catalogue complet des œuvres d’Henri Pousseur sur le site Internet du compositeur.
Henri Pousseur a également produit de nombreux écrits, dont L’Apothéose de Rameau (essai sur la question harmonique) [Paris, 1968], Fragments théoriques I sur la musique expérimentale (Bruxelles, 1970), Stravinski selon Webern selon Stravinski (Paris, 1971) et son ouvrage le plus connu, Musique, sémantique, société (Paris, 1972).
Henri Pousseur laisse derrière lui son épouse et ses quatre enfants ; à ses proches, toute l’équipe de l’ACME, qui eut la chance et l’honneur insigne d’être parrainé par lui lors de sa fondation, présente ses condoléances les plus émues.
Vinciane Baudoux
Un livre d'or a été ouvert sur le site Internet d'Henri Pousseur ; vous pouvez le consulter et le signer ici.
Il vous est également loisible de laisser un commentaire au bas de cet article.
- Lire l'interview d'Arsène Souffriau par Stephan Dunkelman, parue en 1988 dans le n° 65 des Cahiers de l'ACME.
- Lire l'interview de Léo Küpper par Fabrizio Rota, parue en 2007 dans les numéros 234 et 235 des Cahiers de l'ACME.
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